Ce 22 juin 2018, Gérard DUBEY, sociologue et professeur à Institut Mines-Télécom Business School était l'invité de Serge TISSERON dans son émission Matière à penser. Vous pouvez retrouver l'enregistrement en Podcast ci-dessous ou directement sur le site de France Culture.
Le concept d’anthropocène a été proposé par Paul Crutzen il y a une dizaine d’années. Son originalité ne réside pas dans le fait que l’activité humaine change le monde, puisque cela était déjà envisagé dès le XIXe siècle, mais que l’humanité est la force géologique de notre époque. Une autre vision de la Terre apparaît et se propage : non plus une terre passive que l’être humain aurait pour mission de conquérir, mais une terre indocile, indomptable, imprévisible, bref beaucoup plus ouverte aux désordres que ce que nous l’imaginions. Avec l’entrée dans l’Anthropocène, l’être humain prend conscience que la terre et la nature ne sont pas constantes et éternelles, mais sujettes à de brusques sursauts, et que ceux-ci peuvent être liés à l’activité humaine. La Terre est devenue « chatouilleuse » selon la belle expression d'Isabelle Stengers.
Gérard Dubey : Pour essayer de répondre aux inconvénients de l’Anthropocène, on voit fleurir une multitude de projets, parfois très coûteux : envoyer du soufre dans la stratosphère, réintroduire du plancton dans les océans, etc. Mais la réponse est toujours technologique. Les réponses technologiques avancées pour résoudre les problèmes auxquels nous confronte cette ère anthropocène relèvent des mêmes architectures techno-organisationnelles qui ont considérablement impacté la planète depuis le 19e siècle. Donc ces « solutions » sont assez finalement proches du mal que l’on cherche à circonscrire ! Peut-être faut-il arrêter de penser en termes de solutionnisme technologique à la manière des ingénieurs ? Il ne s’agit pas résoudre des problèmes simples et techniques. On sait bien qu’il y a une très grande interdépendance. Pour moi, la question centrale nous oriente vers les conceptions du temps, les temporalités qui se trouvent sous le phénomène anthropocène et qui nous permettraient de trouver sinon des issues, en tout cas d’imaginer des bifurcations.
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Aux sources de l’Anthropocène, il y a le processus d’industrialisation. Cette surveillance et ce contrôle du travail et de la vie des ouvriers ont été introduits par l’usine paternaliste et sa forme de philanthropisme un peu cynique. Avec les usines-villes de l’industrie sidérurgique par exemple, il s’agissait avant tout de fixer les ouvriers. Les conditions de travail aussi bien physiques que morales étaient tellement délétères et dures qu’on assistait à un turn over formidable. Permettre aux ouvriers de disposer d’une maisonnette avec un petit jardin qui pouvait rappeler les anciennes structures de la communauté villageoise c’était une manière de les fidéliser, de les fixer. Aujourd’hui, on n’est pas sortis de cet objectif de cette surveillance, de ce contrôle. II y a tout un discours qui consiste à dire que nous sommes déjà passés dans une phase société post-industrielle mais je pense au contraire qu’on n’est pas sorti du taylorisme, du fordisme. Ces structures-là continuent de vivre, de se transformer pour s’adapter aux nouvelles réalités de la vie contemporaine.
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