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17 février 2021

Portraits Télécom SudParis - Portrait de Jérémie Rosselli (TSP 2006) General Manager France chez N26

Alexandre Havard (TSP 2010), Director chez Deloitte Luxembourg, à la rencontre de Jérémie Rosselli (TSP 2006), General Manager France & BeNeLux chez N26

1. Bonjour Jérémie, tu as été diplômé de Télécom SudParis en 2006 et nous te retrouvons 14 ans plus tard, General Manager pour la France et le Benelux d’une banque perçue comme l’une des plus innovantes d’Europe. Comment s’est articulée ta carrière durant toutes ces années ?

J’ai toujours su que je voulais à terme diriger une entité, avoir un rôle actif et décisionnaire. 

En plus de l’option Finance de Télécom SudParis , j’ai complété mon cursus avec un diplôme en économie à Tolbiac et Dauphine. J’ai donc d’abord commencé ma carrière dans la finance en Fusions & Acquisitions. À l'époque, c'était pour moi la meilleure façon de continuer à apprendre sans avoir à faire de choix trop orientant et qui aurait pu me fermer des portes. Mon stage de fin d’études s’est déroulé chez HSBC où j’ai souvent fini à 4h du matin, puis j’ai eu l’opportunité de faire un second stage à Londres toujours chez HSBC pour valider la partie internationale de mon cursus. Notez que je vous encourage tous à maximiser le temps passé à l’international dans vos cursus ; cela vous sera extrêmement utile par la suite.

Après 5 ans dans le même métier, je devais faire un choix : si je ne voulais pas faire du M&A pendant toute ma carrière, c’était le moment de changer. J’ai eu la chance de faire mon MBA à la Booth School of Business à l’Université de Chicago. Un MBA est le meilleur moyen de faire un pas de côté et changer de rôle, d’industrie ou de pays. J’ai fait les 3 en même temps. 

Burger King cherchait un européen analytique pour lancer un projet stratégique… idéalement avec la connaissance du marché français. Je cherchais une opportunité pour apprendre le plus possible avec les meilleurs dans leur secteur. En 2 ans, j’ai eu 4 jobs différents, vécu dans 3 pays et surtout le plus important : j’ai appris que pour comprendre un métier et une industrie, il fallait être sur le terrain. En l’occurrence, j’ai fait des shifts dans des cuisines, fait des tournées avec des contrôleurs de restaurant, lancé la marque dans 3 pays, et probablement coordonné 100 autres projets. Ma chance : mes managers m’ont fait confiance et surtout m’ont jeté dans le grand bain. J’ai souvenir de José Cil ( CEO de Restaurant Brands International, le groupe qui détient notamment Burger King) me disant : “You’ve learnt by fire”...

Il y a 5 ans, en prenant du recul, j’ai réalisé qu’au moment où je vivais aux USA, j’avais été aveugle et je n’avais pas vu les débuts des Uber, Airbnb, etc. Une erreur à ne pas refaire. Je voulais rejoindre un futur leader de la tech avant que cela ne soit déjà un mastodonte international. Après 12 mois de recherche, j’ai trouvé N26, une startup allemande avec une centaine d’employés. Ils ne savaient pas encore qu’ils auraient besoin de moi : un manager avec la connaissance de la banque, l’expérience d’avoir lancé une marque dans un secteur régulé dans plusieurs pays, et la formation d’ingénieur. Je leur ai envoyé un mail : 3 mois plus tard, ils réalisaient qu’ils avaient besoin de moi.

2. De nombreux diplômés choisissent d’évoluer dans le secteur bancaire ou financier, même sans avoir nécessairement suivi une spécialisation de ce type à l’école. En quoi l’école a-t-elle contribué à structurer ton parcours ?

Ma formation d’ingénieur m’a donné le goût de la tech quand elle n’en était qu’à ses balbutiements. Donc finalement, elle a joué un rôle dans mon parcours.

Si aujourd’hui je suis très à l’aise dans mes missions au quotidien chez N26, c’est autant grâce à ma formation d’ingénieur très utile dans mes échanges au quotidien avec nos équipes tech, que mon expérience dans la banque d’affaires pour les sujets spécifiques à ce secteur ou encore mon aventure chez Burger King où j’ai appris comment ouvrir et développer un marché.    

3. Tu évolues aujourd’hui dans une fonction managériale, avec une exposition internationale forte puisque tu as un rôle en France mais aussi au Benelux. Est-ce que le fait d’évoluer dans un contexte international revêt une importance particulière pour toi ?

C’est la suite logique de mon parcours puisque j’ai toujours aspiré à évoluer dans un environnement international que ce soit au travers de mon expérience aux Etats-Unis où j’ai obtenu mon MBA, ou bien lors de mes expériences professionnelles. 

Ce qui est passionnant aujourd’hui dans mes challenges au quotidien, c’est autant de construire une banque internationale et donc avancer avec mes pairs qui gèrent les autres marchés européens et américain de N26, que de représenter la France dans cet écosystème avec le challenge de bien faire comprendre les spécificités françaises. 

4. Lorsque je discute avec des alumni diplômés depuis plus de 10 ans, je m’aperçois que beaucoup d’entre nous n’auraient jamais imaginé travailler dans leur poste actuel. Que conseillerais-tu à un étudiant qui ne sait pas encore la spécialisation qu’il doit choisir en dernière année ?

De se faire confiance et de dédramatiser ce genre de choix car il ne vous enfermera jamais dans une case. C’est une crainte très française et là encore mes expériences à l’international m’ont appris qu’au final, ce ne sont pas que vos diplômes qui font votre parcours. C’est ce que vous allez faire de votre parcours, quelles expériences vous allez construire, comment vous allez écrire la cohérence des différentes étapes et surtout comment vous serez capable d’expliquer cette cohérence quand vous voudrez écrire une nouvelle page de votre histoire, qui compte ; ce n’est pas de savoir si vous avez tel ou tel master ou bien que vous soyez de telle promo de telle école. Mes conseils : 

  1. Sortez de votre zone de confort
  2. Ne soyez pas des suiveurs passifs (renseignez-vous c’est votre responsabilité !)
  3. N’ayez pas peurs : dans le doute, rappelez-vous qu’en anglais un échec ça s’appelle une learning experience

5. Avant d’arriver chez N26, tu es passé par HSBC et Burger King. Comment est-ce qu’on passe des télécoms, à la banque d’investissement, au développement commercial pour terminer responsable d’une banque en ligne dans plusieurs pays ?

C’est finalement assez simple : ce qui est essentiel, ce sont vos compétences et les compétences recherchées par l’employeur. Dans beaucoup de cas, les connaissances de l’industrie peuvent s’acquérir durant les premiers mois. J’ai fait de la banque d’affaires parce que j’étais analytique et que je voulais apprendre vite. Idem pour Burger King. Pour N26, parce que j’avais lancé Burger King dans plusieurs pays. Lancer Burger King ou N26 dans un nouveau pays, c’est finalement exactement le même job : ce sont des industrie régulées, où il faut développer de la notoriété tout en conservant une excellence opérationnelle.

6. Mais au fait, quelle est la différence entre une banque en ligne, une banque mobile, une néobanque ou une banque digitale ?

Pour résumer, aujourd’hui nous avons des banques traditionnelles, ce sont ces banques que l’on connaît tous et qui existent depuis toujours avec leur réseau d’agences physiques et les mêmes offres bancaires depuis des années. Les banques en ligne qui bien souvent appartiennent à des banques traditionnelles et qui ne sont que le vernis digital de ces dernières, pour les essayer de les aider petit à petit à passer du monde d’hier de la “banque physique” au monde actuel de la “banque digitale”. Enfin, vous avez les néobanques ou banque mobile ou banque digitale, peu importe le terme : ce sont les nouveaux acteurs qui disruptent le secteur depuis quelques années comme nous et dont le point commun est de penser la banque à travers l’usage de son smartphone et de façon à la fois complètement transparente mais aussi beaucoup agile et adaptée aux besoins quotidien de chacun.  

7. Parlons un peu de N26 alors. Tout le monde en a entendu parlé et les premiers liens sur Google renvoient à des comparatifs entre N26 et Revolut. Mais est-ce vraiment comparable ?

Nous avons des points communs et des différences. Le principal point commun, c’est bien sûr le mobile puisque nous faisons tous les deux le pari que le mobile est une formidable opportunité de redonner aux Français le contrôle sur leur finance du quotidien et donc qu’ils retrouvent du plaisir à utiliser leur banque pour financer leur vie.  

Ensuite, nous avons des différences : nous sommes une banque avec une licence bancaire allemande délivrée par le BCE garantissant les dépôts de chacun de nos clients à hauteur de 100 000 euros. Nous développons des fonctionnalités et des services d’épargne, de crédit, de gestion de son budget ou d'optimisation de ses dépenses pour devenir le compagnon du quotidien de nos clients dans la gestion de leur argent. Revolut propose des services similaires mais a fait le choix de développer une approche plus centrée sur les produits financiers comme la bourse et les cryptomonnaies avec des logiques d’un établissement de crédit plus d’une banque de tous les jours à proprement parler. 

8. Comment une banque comme N26 parvient-elle à développer sa clientèle dans un environnement de banques traditionnelles d’une part, et dans un environnement de Fintech toujours plus innovantes d’autre part ?

C’est plus simple qu’on pourrait le penser. La clé c’est la qualité du produit, l’excellence opérationnelle et l’attention que vous mettez dès le départ dans votre service client. Chez nous, le premier moteur de la croissance depuis le départ, c'est le bouche à oreilles. Et comme je le dis souvent à mes équipes, la satisfaction de nos clients est le meilleur investissement marketing car il n’y a que deux catégories de clients : ceux qui sont clients chez nous et ceux qui vont le devenir. Au-delà de la boutade, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le temps où vous n’aviez qu’une banque dans votre vie est révolue. Nous sommes même convaincus que demain l’usage majoritaire sera d’avoir deux banques comme on a deux téléphones. Un téléphone fixe, votre banque traditionnelle pour votre crédit immobilier. Comme votre téléphone fixe, elle est là depuis toujours mais vous ne vous en servez quasiment plus et un smartphone, votre banque mobile qui vous accompagne au jour le jour dans la gestion de votre argent et le financement de vos dépenses. 

9. Cela fait des années que l’on prédit la mort des banques traditionnelles, leur remplacement par les « néobanques » ou par les GAFA (selon les articles) et pourtant elles continuent à afficher des bénéfices records. Quelle est ta prédiction sur l’état du marché bancaire dans 5 à 10 ans ?

Dans la continuité de mon précédent propos, je pense que nous allons assister à la consolidation d’un monde à deux têtes avec d’une part les banques traditionnelles qui auront réussi à franchir le cap de la digitalisation et perdurent demain, et de l’autre les nouveaux acteurs qui auront su atteindre la taille critique en faisant les bons choix stratégiques pour devenir rentables et écrire leur histoire au long cours. 

N'oublions pas que la banque est l’un des rares secteurs qui n’a pas connu encore sa consolidation. Il y a plus de 300 banques différentes en France quand on ne compte que 4 opérateurs téléphoniques ou à peine 20 fournisseurs d’énergie. 

10. Penses-tu que tes études d’ingénieur t’ont aidé d’une façon ou d’une autre à gérer les différents virages qu’a pu prendre ta carrière au fil des années ?

Pour moi être ingénieur, c’est résoudre des problèmes. Si on n’y arrive pas, on prend du recul, on remet en question le raisonnement, on revoit les hypothèses pour s’assurer qu’elles sont bien posées et qu’on a pas oublié d'éléments et on recommence. À chaque fois on apprend un peu plus et cherche l’étape d’après la plus optimale.

11. Une dernière question : ton souvenir le plus marquant à l’école ?

La premier concours d’entreprenariat en partenariat avec l’école de management. Aujourd’hui, c’est un standard dans les cursus d’ingénieur. À l’époque, c’était probablement une des premières fois. 



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