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Portraits Télécom SudParis - Portrait de Patrick Gauthier (TSP 1986), Vice-Président d'Amazon Pay
Pierre-Antonin Rousseau (IMT-BS, étudiant en deuxième année) à la rencontre de Patrick Gauthier (TSP 1986), Vice-Président d’Amazon
1. Présentez-nous votre parcours
Après avoir suivi une formation d’ingénieur généraliste à Télécom SudParis, j’ai débuté ma carrière professionnelle en France où j’ai passé 4 ans. Par la suite, j’ai eu l’opportunité de prendre en charge une mission aux États-Unis pour une durée de 3 ans à partir de 1991. Les hasards de la vie ont fait que j’y réside depuis trente ans maintenant.
D’un naturel curieux et intéressé par la pluridisciplinarité, je refuse de me limiter à un unique domaine. C’est l’une des raisons qui a motivé ma décision de rejoindre Télécom SudParis, en plus de ma passion pour les technologies que je vis toujours au quotidien. Cet état d’esprit m’a permis d’acquérir des compétences nouvelles tout au long de mon parcours professionnel.
Je suis aujourd’hui Vice-Président d’Amazon Pay au niveau mondial.
2. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’orienter votre carrière vers les moyens de paiement ?
Ce focus qui a été le fil conducteur de ma carrière, s’est révélé de manière imprévue.
En effet, au cours de ma deuxième année à Télécom SudParis, j’ai tout mis en œuvre pour effectuer un stage à l’étranger en candidatant à près de 500 entreprises dans différents domaines et sur plusieurs continents. J’ai obtenu un stage très stimulant au sein d’une fonderie dans la Silicon Valley et qui s’est révélé par la suite avoir été très formateur. Après l’obtention de mon diplôme, cette première expérience aux États-Unis m’a permis de décrocher un emploi au sein de Schlumberger, dans une division portant sur les composants électroniques.
À l’issue de 7 années d’expérience au sein de cette division, je sentais que j’avais besoin de nouveaux défis. Or, Schlumberger commençait, à ce moment, à investir dans les cartes à puces. Un jour, le commentaire d’un ancien manager m’avait interpellé ; je pouvais utiliser ma compréhension des puces pour les métiers de la monétique qui sont en forte croissance. C’est à cette observation que je me suis orienté vers le domaine des cartes de paiement.
Selon moi, ce secteur était particulièrement intéressant, car il se situe à l’intersection de plusieurs technologies, avec la législation, le marketing et les contraintes relatives aux effets de réseau. En outre, les paiements modernes permettent aux clients de réaliser nombre de leurs rêves. C’est donc un métier qui possède de multiples facettes, qui touche la vie de tous, et qui me donne l’impression de faire quelque chose d’utile.
3. Entre 1998 et aujourd’hui, vous avez occupé de nombreux postes à responsabilité, notamment au sein de VISA et PayPal. En 23 ans, quelles sont les transformations majeures que vous avez constatées dans le marché du paiement ?
La première grande transformation dans ce marché a été de nature technologique avec l’arrivée de la puce ; ensuite nous sommes passés du paiement par carte traditionnel au paiement sans contact. Ces changements ont ouvert la voie à de nombreuses innovations.
Ensuite, j’ai pu constater la transformation de la typologie des acteurs depuis une décennie. Par exemple, des entreprises qui n’existaient pas il y a dix ans, sont devenues des références sur le marché. Des entreprises comme Amazon et PayPal ont connu une croissance exponentielle.
La troisième transformation majeure est l’évolution de la capacité de paiement des consommateurs. Cette transition a démarré il y a 20 ans, lorsque le paiement se limitait aux cartes de crédit et de débit. Aujourd’hui, le marché du paiement se décompose en une gamme de produits très riche et diversifiée pour les consommateurs et les entreprises. Je constate une véritable explosion de la variété des moyens de paiement.
4. Vous avez été au Conseil d’administration de nombreuses entreprises. Dans quelle mesure ces expériences vous ont-elles enrichies ?
Personnellement, j’apprécie beaucoup la diversité de ces expériences. J’ai commencé à être très actif dans les Conseils d’administration lorsque je pilotais le fonds de capital risque de Visa. Il est fascinant de voir des start-ups en plein développement. Leurs fondateurs ont une grande passion pour leur projet, ce qui est rafraîchissant. C’est pour cette raison que je suis parti de Visa et que j’ai rejoint une start-up.
Selon moi, il est important de rester objectif dans un board. En effet, afin d’éviter les litiges liés à la gestion des conflits et la confidentialité, les conseils d’un membre du board doivent offrir une hauteur de vue et rester détachés du business.
5. En tant que Vice-Président de Amazon Pay, quelles sont vos motivations et vos missions ?
Aujourd’hui je gère une activité de plusieurs milliards de dollars de transactions. Au début, nous étions 22. Je travaille maintenant avec un groupe de 650 personnes, que je gère comme une start-up, dont l’investisseur principal est Amazon.
La mission d’Amazon Pay est différente des autres opérateurs de paiement qui gèrent avant tout des flux. Amazon Pay se concentre sur les moyens d’aider les clients d’Amazon pour qu’ils puissent accéder à leurs informations enregistrées sur leur compte Amazon dans le cas d’une transaction hors Amazon.
6. Quelles sont les ambitions d’Amazon Pay pour les années à venir ?
Notre plus grande ambition est la croissance. Lors de son lancement, il y a six ans et demi, Amazon Pay était un produit en phase bêta dans 3 pays. Aujourd’hui, cette division est présente dans 18 pays. De nombreux projets sont en cours de réflexion pour continuer d'accroître cette activité. L’une des choses les plus intrigantes sur le long terme, sera le paiement par la voix qui commence à se développer avec Alexa.
7. Quels sont les apports de Télécom SudParis ?
Ma formation à Télécom SudParis m’a apporté de la rigueur et une manière de travailler grâce aux hard skills que j’ai pu développer à l’école.
D’autre part, la formation complète d’ingénieur généraliste à la française m’a offert la possibilité d’étudier une très large gamme de sujets techniques allant de la connaissance en hardware jusqu’au traitement des données et les architectures de réseaux. C’était très intéressant.
Je dirais ensuite que la formation offre un cadre de travail où l’on apprend à se débrouiller et être ouvert aux autres et aux opportunités qui s’offrent à nous. Je me rappelle que j’ai saisi des opportunités que je n’aurais jamais imaginées comme par exemple mon stage aux États-Unis. La vie de campus m’a également permis d’apprendre à jouer au jeu de go, ce qui a transformé ma manière de réfléchir en termes de stratégie. Enfin, Télécom SudParis m’a permis de rencontrer des amis pour toute une vie.
8. Apparteniez-vous à un club ou une association ?
En deuxième année, j’étais président du BDE. J’étais aussi en parallèle très impliqué au sein de Sprint, la Junior Entreprise. Pendant un temps, je suis également intervenu en tant que DJ pour des soirées de l’école. Enfin, j’étais un grand passionné de Donjons et Dragons et de jeu de go.
9. Quels sont les cours/les professeurs qui vous ont marqué au sein de l’école ?
Deux enseignements m’ont particulièrement marqué. Tout d’abord, un cours où nous étudions le code source d’Unix. Les auteurs de cet Operating System brillaient par l’élégance et la concision de leur programmation. Quand nous essayions de créer la moindre fonction en travaillant dur, nous réussissions… mais avec cinq fois plus de lignes de code.
Ensuite, après avoir effectué mon stage de deuxième année dans une fonderie de microélectronique, le professeur à la tête du département électronique à Télécom SudParis m’a dit que personne ne s’y connaissait en la matière et que je devrais creuser le sujet et offrir un cours. À l’époque, j’avais accepté, mais il me fallait davantage d’outils, que nous avions obtenu en l’espace de quelques semaines. J’avais fait un cours sous la forme de travaux pratiques sur le design de la puce. Pour moi, le détail le plus marquant et stimulant venait du fait que le professeur avait eu l’idée de sortir des sentiers battus et de créer une nouvelle activité.
10. Est-ce que votre situation ressemble à celle que vous imaginiez quand vous étiez plus jeune ?
Probablement pas. Je n’avais pas une idée très précise de ce que je voulais faire. J’avais cependant la conviction depuis longtemps que je travaillerais dans une activité qui allie le business et la technologie. Cette dualité a toujours été en moi.
Le monde est riche d’opportunités. Il y a presque sept ans, j’ai rejoint Amazon, alors que ce n’était pas prévu. Mon expérience m’a enseigné que la vie est imprévisible. Nous devons faire l’effort de rester ouvert aux opportunités.
11. Si c’était à refaire aujourd’hui, choisiriez-vous le même parcours ?
Oui, je pense qu’avoir des regrets ne sert à rien. Cependant, je ferais peut-être les choses différemment ; je suis par exemple resté très longtemps à Visa. J’aurais pu partir un peu plus tôt, même si je ne regrette pas du tout mon choix.
Je n’ai qu’un seul vrai regret concernant ma vie professionnelle. Quand j’ai commencé dans la division monétique à Schlumberger, nous vivions en Virginie du Sud, un état connu pour ses bases militaires et pas pour ses grandes banques. Donc, je voyageais énormément et n’ai que très peu de souvenirs des deux premières années de l’une de mes filles. Malheureusement, c’est un regret que je ne pourrai pas réparer.
12. Pouvez-vous nous raconter votre expérience bénévole en tant que Referee à l’American Youth Soccer Organisation Region 104 ?
C’était une expérience fantastique ! J’ai démarré l’arbitrage au moment où mes deux ainés commençaient à s’intéresser au foot. Ils ont commencé dès l’âge de six ans et je devais les accompagner à chaque match. Or, rester assis sur le bord du terrain ne m’intéressait pas. C’est pourquoi je me suis dit que j’allais devenir arbitre. Quand l’une de mes filles s’est mise à faire du foot en compétition, on traversait la Californie pour aller aux tournois. On a des souvenirs inoubliables de tous ces week-ends où elle jouait et j’arbitrais.
13. Parmi tout ce que vous avez réalisé, quelle est la chose dont vous êtes le plus fier ?
Je suis très fier de ce que l’on a créé ici à Amazon Pay ; le succès de ce projet était loin d’être une évidence lors de son lancement il y a 7 ans.
Plusieurs fois auparavant dans d’autres situations, j’ai pu construire des équipes très performantes, à tel point qu’elles ont réussi à réaliser des choses qui semblaient, au départ, impossibles à accomplir.
La fierté vient d’avoir créé une équipe qui soit parvenue à se transcender. Cela nécessite d’assembler des compétences et des personnalités pour, ensuite, laisser place au moment où l’alchimie prend… Lorsqu’un simple groupe d’individus devient une véritable équipe. La première fois, on ne le réalise pas forcément, mais c’est toujours un immense instant de plaisir de le constater.
14. Quels conseils auriez-vous aimés qu’on vous donne quand vous aviez vingt ans ?
Je dirais qu’il ne faut pas oublier l’importance de la vie personnelle, la famille et les amis. La réussite professionnelle, c’est important. En revanche, ce n’est pas une fin en soi. Je garde en tête que les souvenirs les plus impérissables sont ceux que nous passons avec nos proches.
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